Tribune : « Une pétition pour l’enseignement des littératures en langues régionales »

Le patrimoine littéraire français ne se limite pas aux productions écrites en langue française. Depuis des siècles, des poèmes, des romans, des pièces de théâtre et des essais de qualité en langues dites « régionales » sont publiés en abondance. Or, tout cet archipel de créations écrites est aujourd’hui largement ignoré par les programmes scolaires de notre pays. Et donc par la majeure partie des Français.
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Le patrimoine littéraire français ne se limite pas aux productions écrites en langue française. Depuis des siècles, des poèmes, des romans, des pièces de théâtre et des essais de qualité en langues dites « régionales » sont publiés en abondance. Or, tout cet archipel de créations écrites est aujourd’hui largement ignoré par les programmes scolaires de notre pays. Et donc par la majeure partie des Français.
Si la plupart de nos compatriotes l’ignorent, c’est que notre système éducatif ne leur a jamais enseigné cette réalité. Héritier d’une tradition de mépris remontant à l’Ancien Régime, théorisée sous la Révolution par l’abbé Grégoire avant d’être appliquée par toutes les Républiques, ce système passe volontairement sous silence ces milliers de textes ainsi que ceux qui les ont écrits et les écrivent aujourd’hui encore.
Il est parfaitement envisageable de faire étudier [ces œuvres en langues « régionales »] en traduction française ou, mieux encore, en version bilingue
Afin de mettre un terme à cette injustice, nous demandons que ces œuvres intègrent officiellement les programmes de l’Education nationale. Pour être ancrées dans leur culture « régionale », elles n’en ont pas moins une portée universelle.
Les langues « régionales » elles-mêmes, dont l’enseignement demeure soumis au régime de l’incertitude et de la précarité, se voient dédaignées par les autorités de ce pays. Si au fil des ans, quelques améliorations ont pu être apportées par divers textes législatifs et règlementaires, leur application concrète reste fortement entravée. A fortiori, les littératures de ces autrices et auteurs – alsaciens, basques, bretons, catalans, corses, créoles, flamands, occitans, et de toute autre langue de France, y compris bien sûr des outre-mer – sont victimes d’une idéologie étriquée, exclusive et excluante.
Pendant leur scolarité, il arrive que la jeunesse de France découvre Shakespeare ou Kafka – et nous nous en réjouissons. Mais pourquoi n’aurait-elle pas accès à Bernard Manciet, Robert Lafont, Pierre Jakez-Hélias ou Raphaël Confiant ? Rien, si ce n’est un manque de volonté, n’empêche qu’un enseignement portant sur ces œuvres soit dispensé aux élèves. Il est parfaitement envisageable de les faire étudier, en traduction française ou, mieux encore, en version bilingue. Contes, poèmes, romans, pièces de théâtre, essais, peuvent être abordés sous forme d’extraits ou d’œuvres intégrales.
Si Annie Ernaux est « notre » nouveau prix Nobel de littérature, Frédéric Mistral, en son temps, le fut aussi
Les enseignants de chaque région pourraient prioritairement mettre l’accent sur des œuvres issues de celle-ci mais, au-delà de ce principe, il faut que chaque élève soit sensibilisé à l’existence de cette foisonnante diversité littéraire de notre pays.
Si Annie Ernaux est « notre » nouveau prix Nobel de littérature, Frédéric Mistral, en son temps, le fut aussi. Il écrivait en provençal, et de cela la quasi-totalité des Français n’a strictement aucune connaissance. Œuvrons pour mettre un terme à cette aberration. Agissons au bénéfice de tous : l’ouverture des programmes sur notre diversité interne est un premier pas vers un nouvel humanisme ouvert à l’Autre.
Parmi les premiers signataires : les artistes Francis Cabrel, Goulamas’K, Yannick Jaulin, Mauresca, I Muvrini, Joan de Nadau, Jordi Savall, Alan Stivell, Manu Théron ; l’historienne Mona Ozouf ; les écrivains Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Didier Daeninckx, Jean-Baptiste Para ainsi que de nombreux auteurs en langues régionales ; le capoulié du Félibrige Paulin Reynard et de nombreux majoraux ; la direction de l’Institut d’études occitanes et plusieurs sections régionales ; de très nombreux universitaires, dont Philippe Blanchet et Bernard Cerquiglini ; plusieurs élus dont Paul Molac, Fabien Roussel, Carole Delga, Huguette Bello, Florence Brutus, Charline Claveau.
Pour signer la pétition : www.mesopinions.com/petition/art-culture/vraie-place-litteratures-langues-regionales-programmes/193595?fbclid=IwAR01KfGt3jNe8FXDWFoDG7Osymgv1UdvktfzMyewm7CzQ16dxXaKtxs_oDY
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