Rock forever : 1998 : Matmatah : « La Ouache », la Bretagne, ça nous gagne

La tournée des tavernes
Le groupe s’est formé en 1995, d’un duo composé de Tristan Nihouarn (Stan, au chant-guitare) et Cédric Floc’h (Sammy, à la guitare). Ils sont rejoints par le bassiste Eric Digaire et le batteur Jean-François Paillard. Le nom du groupe est directement inspiré de Matmata, le village troglodytique tunisien dans lequel Stan a séjourné durant son enfance ; village rendu célèbre pour avoir servi de décor à la saga « Star Wars » de George Lucas.
Lorsque « La Ouache » sort dans les bacs, les Matmatah n’en sont pas à leur premier coup d’essai. C’est dans les tavernes brestoises que les compères font leurs premières armes, sous le nom des Tricards Twins. Entre deux verres de chouchen, le public apprécie leurs reprises des Beatles et de Simon and Garfunkel. Dès juillet 1997, le groupe sort un premier CD 2 titres, histoire de voir si le public est bien fidélisé. Il l’est ! Un millier de CD vendus en une semaine. La vague Matmatah submerge la Bretagne.
Entre pop-folk british et grains de celte, le groupe affine progressivement son identité. Certes, les premiers morceaux donnent envie de se resservir un riflon. A l’image de la toute première chanson enregistrée, « Les Moutons », qui donne envie de guincher… et de reprendre un godet. Un moment toujours très attendu en live, car le public rajoute une couche de paroles. Autre single avant l’album, « Lambé an Dro », qui deviendra le magistral premier succès du groupe. De quoi faire baigner des générations de lycéens, étudiants ou simples potes dans la potion magique festive. Un son celtisant, limite heavy.
A la fleur de celte
Une invitation à la fête qui va faire fureur durant l’été 98, après la sortie de l’album. « Viens donc faire un tour à Lambé », c’est une grande tape dans le dos. Lambé, un lieu idéalisé ? Oui, mais tout aussi accessible, puisqu’il s’agit de Lambézellec, un quartier au nord de Brest, dans lequel Tristan a passé une partie de son temps étudiant. Cela devient vite un QG pour le groupe. L’interjection introductive (« Mets la Ouache Fanch ! ») s’adresse au batteur afin qu’il se lâche aux fûts. Par extension, il s’agit de mettre un joyeux boxon…
Il était une fois en Armorique. L’héritage des bardes est assuré. Depuis Tri Yann ou encore Alan Stivell, les Matmatah relèvent le défi. Mais cette pincée de celte peut être pesante pour le groupe qui ne cherche pas à s’enfermer sous une image folkloriste (même si la première chanson de l’album, « Anter-ouache », fait référence à la danse bretonne). Petite cerise sur le far breton, le clip de « Lambé ». La femme qui roule longtemps avant d’arriver au concert brestois des Matmatah a de quoi intriguer. On découvre à la fin l’image qui n’est autre que la fameuse Emma Peel (Diana Rigg) de « Chapeau Melon et Bottes de Cuir ».
Justement, l’éternelle Madame Peel de John Steed est à l’honneur de la piste 2, « Emma », icône sexy de la pop-culture. « Emma, tu m’as déjà scotché au canapé […] et dire que pour toi, j’aurais gâché ma santé », c’est bien d’une drogue dont il s’agit. Un vrai rock aux influences old school fin 60’s, début 70’s : tout ce qu’on aime ! Mélancolie assumée sur « Dernière journée en mer », avec le spleen du pêcheur breton qui sort pour la dernière fois (un titre dirigé contre le service militaire). « L’apologie » est sulfureuse, car le pétard et ses volutes entraîneront le groupe à payer pour « provocation à l’usage de stupéfiants ».
« La fille du Chat noir » nous conduit dans un bar brestois (Le Chat noir) où l’on imagine les piliers du comptoir pas avares de commentaires sur la serveuse. Mélodieux et savoureux comme la caresse d’un premier apéro sur le zinc. « La complainte de Fanch » est écrite et composée par le batteur ; une vive critique de la société de consommation et de ses absurdités, avec des guitares au son bien seventies, made in Led Zep. Enfin, l’album se termine sur « Ribette’s », un instrumental punk-rock de deux minutes trente, dédié à leur tourneur, Marc Ribette. Et là encore, on dégaine les guitares en mode cow-boy. A l’image de la pochette du disque, en simili bois gravé western.
Une masse d’air frais venu des côtes bretonnes déferle sur la France, devenue championne du monde, à l’été 1998. A vos bolées pour l’écoute, ce cocktail folk breton, humour et rock : c’est jubilatoire.
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