La rédaction vous conseille

« Nous sommes arrivés le 21 juillet 2022 en Béarn. D’abord à la maison Sainte-Odile, à Billère, puis à Bourdettes, dans une famille anglaise. Et enfin, les Imbert nous ont accueillis, ici à Bordes, en octobre » relate la mère ukrainienne, originaire de la capitale Kyiv (Kiev). « Nous avons répondu à une annonce dans le journal. Vu les circonstances, nous voulions faire quelque chose, avec nos moyens » glisse, elle, Anna-Léna Imbert.

Arrivés en juillet 2022

À l’époque, la famille ukrainienne – composée d’Oleksandra, son mari Serhii et leur fille Anna – reçoit donc l’ADA. « Ils ont eu deux versements, en octobre et novembre » acquiesse Anna-Léa. Sauf que depuis novembre, plus rien. « Au départ, Oleksandra ne m’a rien dit. Elle est très pudique. Puis, en début d’année 2023, elle m’en a parlé » précise la Béarnaise. Depuis, cette dernière multiplie les démarches auprès de l’OFGA (Organisme de Gestion des Foyers Amitié) de Pau, l’OFI (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, etc. Mais sans obtenir gain de cause.

Oleksandra Vaskovska et et sa fille Anna.


Oleksandra Vaskovska et et sa fille Anna.

Marc Zirnheld

« On nous dit qu’on suit notre dossier, que ça va arriver… mais rien n’avance. Dernièrement, nous avons même eu l’annonce d’une régularisation, avec effet rétroactif. La correction devait arriver en février, puis mars… puis avril » souffle Anna-Léna, qui cherche également à savoir la cause de cette situation. « Au final, on pense que tout ceci est dû au fait que Serhii a travaillé 10 jours en septembre. Quelque temps après, nous avions reçu un mail annonçant que l’ADA serait recalculée suivant cette période travaillée. Sur ça, pas de souci… sauf que c’est à ce moment que l’aide a été coupée, purement et simplement ».

Quotidien dégradé

Entre-temps, la vie de la famille ukrainienne s’est évidemment dégradée. « Ils n’ont plus rien, sauf l’aide alimentaire, une fois par semaine » souffle Anna-Léna. Conséquence : c’est elle, avec son mari Sylvain, qui doit compenser. « Évidemment qu’on les aide, on ne va pas les laisser sans rien ! Ils habitent chez nous. Du coup, on estime qu’entre la facture d’eau, d’électricité, l’argent qu’on leur donne pour qu’ils puissent se déplacer (cours de Français pour la mère, collège pour l’adolescente, entretien d’embauche, etc.) et la nourriture – car l’aide alimentaire ne suffit pas – on a alourdi notre budget de plus de 400 euros ».

« On ne regrette rien, précise Sylvain. Vraiment, on les considère désormais comme notre propre famille, et on tiendra le temps qu’il faut. Mais ce n’est pas facile. Anna-Léna est infirmière, moi professeur de natation, on a deux enfants et les temps sont durs à cause des crises et de l’inflation. Donc oui, on est dans le dur, on surveille la moindre dépense. D’autant plus qu’en tant que famille accueillante on n’a pas eu droit à notre propre aide en 2022, car nous n’hébergions pas depuis assez longtemps Oleksandra et sa famille. Et en 2023… on nous a dit que cette aide était suspendue ! »

« Sentiment d’abandon »

Et le couple Béarnais de regretter : « En fait, ce qui nous dérange le plus, c’est le sentiment d’abandon. Déjà, on n’est pas accompagné dans l’accueil : on doit faire tout l’accompagnement seul, toutes les démarches administratives, etc. Alors qu’on a déjà nos propres emplois et notre propre vie à gérer. On est vraiment épuisés. On pense que l’État et les organismes dédiés devraient être plus présents, car là, en fait, on fait leur travail ! Mais c’est surtout pour Oleksandra et sa famille que nous médiatisons ce dossier. Le message envoyé est terrible : ils ont pu venir ici, mais sont désormais abandonnés. Et même d’une façon générale, on est un peu remontés contre certains de nos concitoyens. Oleksandra et Serhii ont toujours voulu travailler. Elle travaillait dans d’administration fiscale en Ukraine, lui comme magasinier. Ils ont des compétences, une motivation. Mais ici, sous prétexte de la barrière de la langue, on ne leur a jamais donné leur chance. On peut comprendre que, pour un employeur, ça sera difficile. Mais la solidarité a un sens, surtout pour des réfugiés de guerre ! »

Anna-Léna, glisse, en colère : « Ils ont toujours dit que, une fois la guerre terminée, ils rentreraient chez eux. Mais là, ils en sont au point de vouloir repartir dès maintenant, alors que les combats n’ont pas cessé. Malgré le fait qu’Oleksandra a perdu récemment sa mère à cause de la guerre ! » Elle a d’ailleurs écrit « à tout le monde, des députés et sénateurs locaux jusqu’à l’Élysée » pour alerter sur cette situation. « Seul le maire de Pau, François Bayrou, m’a répondu ! » regrette-t-elle.

Le couple Béarnais espère donc « une régularisation au plus vite » de la situation de la famille ukrainienne. Et « d’une prise de conscience » sur le suivi de l’accueil des réfugiés ukrainien. Et Oleksandra de conclure, s’adressant « au gouvernement français » : « S’il vous plaît, ne nous abandonnez pas. Encore merci pour nous avoir permis de venir, mais pourquoi nous laisser dans ces conditions ? Au final, merci surtout à la famille Imbert… »

La régularisation du dossier est « en cours »

Interrogé sur le dossier de la famille Vaskovska, Sophie Vattant, leur assistance sociale à l’OGFA, précise : « Effectivement, cette famille ne reçoit plus ses aides depuis plusieurs mois. Depuis que nous avons été alertés de la situation, nous avons signalé la situation à l’OFI qui a indiqué que la régularisation, qui a été reportée plusieurs fois, était en cours et devrait intervenir prochainement. Nous avons également envoyé une demande d’aide exceptionnelle pour les Vaskovska, mais il faut le temps qu’elle passe en commission ». À noter que, concernant l’aide aux familles d’accueillants, le dispositif n’a pas été suspendu, mais les organismes concernés « n’ont pas encore reçu », de la part du gouvernement, les « modalités d’attribution pour l’année 2023 ». Nous avons également sollicité la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, qui n’a pas été en mesure de nous répondre au moment où nous mettions sous presse.

Lien source : Bordes : des réfugiés ukrainiens, qui ne touchent plus leurs aides, se sentent « abandonnés »